Avant-projet d’un schéma directeur 

de la transition politique à Djibouti

 

Avant-propos

Le Conseil National pour la Transition politique de Djibouti (CNTD) est conscient qu’il n’existe pas une stratégie de transition politique et démocratique applicable universellement et qu’il lui appartient par conséquent de tracer lui-même, les contours d’un tel processus aussi complexe qu’il soit, pour sauver le pays du chaos et du risque de guerre civile après la chute du régime de Ismail Omar Guelleh.

Le CNTD, représentant de la société civile et donc du peuple, entend promouvoir une transition politique et démocratique maitrisée avec l’ensemble des acteurs nationaux et internationaux concernés un tant soit peu par le devenir de la République de Djibouti.

Ce schéma directeur de la transition est, en quelque sorte, une piste de réflexion, il reflète cette volonté de sauver notre pays de l’incertitude institutionnelle et se présente comme un document de base pour arriver à « construire un consensus national » autour de cette question si sensible et complexe que constitue par nature toute transition politique.

C’est donc un document provisoire destiné à être débattu, discuté et réformé et dont la finalité est de faire émerger un document final, adopté démocratiquement par l’ensemble des acteurs concernés et qui servira de cadre stratégique à la mise en place de la transition politique en République de Djibouti.

Soulignons d’emblée que pour le CNTD, la transition politique va de pair avec la consolidation de la démocratie et que cette transition ne sera achevée que lorsqu’un gouvernement légitime, résultante directe du suffrage libre et populaire, arrivera au pouvoir à Djibouti. Seul ce gouvernement librement élu disposera du pouvoir souverain pour édicter de nouvelles politiques publiques.

Au préalable, une nouvelle Constitution sera rédigée et soumise, ensuite, au vote du peuple souverain par voie de référendum.

Cet avant-projet de schéma directeur s’attachera à préciser :

●        Le rôle et le statut des autorités intérimaires durant la période de transition et notamment le principe d’inéligibilité qui les caractérise ;

●        Les reformes de la Constitution, Loi Fondamentale du pays, notamment la réduction des prérogatives présidentielles et le renforcement des pouvoirs du parlement ;

●        L’introduction d’une nouvelle instance démocratique, le Sénat ;

●        L’encadrement et la régulation des partis politiques ;

●        La mise en place d’une Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) irréprochable ;

●        L’introduction d’une Haute Cour de Justice, ..;

D’autre part, ce schéma directeur aborde la mise en place de certaines Commissions Spécialisées comme celle chargée de faire la lumière sur tous les crimes de sang commis afin de disposer d’un décompte de victimes physiques à des fins d’indemnisations et de réparations ou encore celle chargée de réaliser un audit complet de la situation financière et économique du pays après 44 années de pillages et de gaspillages afin d’évaluer les préjudices à des fins de recouvrements et de condamnations.

 

Ce document s’articulera essentiellement autour des 3 parties suivantes :

  1. Les aspects statutaires sur les autorités de la transition

  2. Les réformes constitutionnelles et institutionnelles

  3. Les Commissions spécialisées de la transition

 

A.    Dispositions relatives à l’organe chargé de la mise en œuvre de la transition et le statut des personnalités investies des missions régaliennes de l’Etat.

Un organe de pilotage de la transition politique sera mis en place à l’issue des travaux de concertation de toute la classe politique djiboutienne autour des mécanismes de cette transition politique.

Cet organe regroupera les principales forces vives et morales du pays et sera chargé de la mise en œuvre de la transition ; il regroupera des personnalités indépendantes de haute stature morale et éthique, des représentants de partis politiques, des membres d’organisations de la société civile, des écrivains et intellectuels, des leaders syndicaux, des professeurs d’université, des leaders associatives, …etc.

Par ailleurs, cet organe proposera les personnalités qui seront appelées à conduire les affaires courantes afin d’assurer la continuité de l’Etat durant la période de transition.

Avant d’aborder les changements d’ordres constitutionnels et institutionnels initiés dans le cadre de la transition politique et démocratique, il y a lieu de dessiner au préalable, les contours statutaires des personnalités investies des missions régaliennes de l’Etat durant cette transition. Il s’agit ici de préciser concrètement leurs statuts, leurs missions, la durée de leur exercice, etc….

A cet effet, un consensus émerge au sein de la direction du CNTD sur le fait que ces personnalités devraient répondre à un certain nombre de critères, outre bien sur les qualités morales et civiques qu’exigent une telle mission d’intérêt national.

Parmi ces conditionnalités figurent le fait :

●        D’avoir été proposé, choisi et nommé par l’organe de pilotage de la transition ;

●        De ne pas cumuler cette fonction avec celle de chef de parti ou de membre de la direction politique d’un parti ;

●        De ne pas être éligible à des fonctions électives (Président de la République, Député, Maire, …etc.)…

B.    Etat des lieux actuel :

La constitution actuelle du 15 septembre 1992 est complément inadaptée et vidée de sa substance par les différents tripatouillages qu’elle a subie au cours de l’histoire du pays depuis son adoption par le référendum du 04 septembre 1992.

Elle a subi 3 modifications consécutives en l’espace de quatre années entre 2006 et 2010, 

⮚      La première modification est celle du 23 janvier 2006 dans ses articles suivants ;

✔  Article 52 alinéa 1 et 2

✔  Article 55 alinéa 3

✔  Article 68 alinéa 1

Ces modifications sont contenues dans la loi constitutionnelle n°134/AN/06/5ème L du 23/01/2006

⮚      La deuxième modification est introduite par la loi Constitutionnelle n° 215/AN/08/5ème L du 19 Janvier 2008 dans les articles suivants :

✔  Article 66 alinéa 2

✔  Article 71 alinéa 1 et 2

⮚      Enfin, la dernière modification est celle introduite par la Loi Constitutionnelle n°92/AN/10/6ème L   du 14 avril 2010 dans les articles suivants :

✔  1ère phrase du Préambule de la Constitution de 1992 devient article 1er alinéa 1

✔  Article 6 alinéas 1 et 3

✔  Article 10 alinéa 4

✔  Article   23, 24 et 37 du titre III relatif au Président de la République

Toutes ces modifications avaient pour objectif de faire sauter le verrou des limitations de mandats et à écarter des candidats indésirables en stipulant à l’image de l’article 24 que « Tout candidat aux fonctions de Président de la République doit être de nationalité Djiboutienne à l’exclusion de toute autre, jouir de ses droits civiques et politiques et doit être âgé de quarante ans au moins »

D’autre part, tous ces modifications ou tripatouillages tendent à accroitre la concentration des pouvoirs aux mains du seul président de la République qui s’est taillé une constitution sur mesure au détriment de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs. Ainsi l’article 21 (TITRE III : du Président de la République) stipule ceci : « Le pouvoir exécutif est assuré par le Président de la République qui est en outre Chef du Gouvernement »

L’article 30 dispose lui que : « Le Président de la République détermine et conduit la politique de la nationIl dispose du pouvoir réglementaire ». Quant à l’article 33 alinéa 2, il stipule que : « Le Gouvernement est chargé d’assister et de conseiller le Président de la République dans l’exercice de ses fonctions ». Ici, le Gouvernement est réduit au simple rôle d’assistant et de conseiller du Président de la République.

L’article 41 réaffirme ce simple rôle de supplétif du Président de la République attribué au Gouvernent et ajoute dans son alinéa 3 que le Président de la République désigne le Premier Ministre, et sur la proposition de celui-ci, nomme les autres membres du Gouvernement. Il fixe leurs attributions et met fin à leurs fonctions. L’alinéa 4 de cet article 41 dispose que « Les membres du Gouvernement sont responsables devant le Président de la République »

Outre ces pouvoirs traditionnels de Chef de l’Etat, de Chef suprême des Armées et autres, l’actuelle constitution fait donc du Président de la République également le Chef du Gouvernement, un Chef de Gouvernement qui n’est même pas responsable devant le Parlement car la Constitution de 1992 a sciemment esquivé ce cas de figure, contribuant ainsi à faire du Parlement une simple chambre d’enregistrement.

C.   L’assemblée constituante chargée de l’élaboration de la nouvelle constitution

C’est la mission qui sera confiée à l’organe de pilotage de la Transition. Les travaux portant sur l’élaboration de la nouvelle constitution de la 2eme République constituent le cœur même de la transition politique et démocratique dans notre pays.

Autrement dit, l’organe de pilotage est chargé de mettre en place l’Assemblée Constituante avec un mandat clair et limité dans le temps. Cette Assemblée constituante, une fois installée, devra lancer les débats et les consultations pour proposer dans les meilleurs délais une nouvelle constitution.

Ces travaux devront être finalisés dans les plus brefs délais dans les 6 mois suivant la mise en route de la période de transition afin que La 1ere mouture de la nouvelle constitution soit soumise au comité de pilotage pour révision. Ce dernier devra renvoyer la version amendée à l’assemblée constituante. La version consolidée et définitive sera soumise à l’adoption par le peuple par voie référendaire.

Pour le CNTD, porte-parole de la volonté de la société civile et donc du peuple, la nouvelle constitution de la IIème République devra opérer une modification radicale dans l’architecture des pouvoirs actuelle dont la caractéristique majeure est le déséquilibre flagrant au profit des prérogatives du Président de la République.

Les travaux de l’Assemblée Constituante devront s’attacher à restaurer un certain équilibre des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif en renforçant les prérogatives du Gouvernement qui doit à juste titre, « déterminer et conduire la politique de la Nation » tandis qu’il doit engager sa responsabilité devant le Parlement.

Dans la situation actuelle, le Gouvernement ne dispose même pas du pouvoir réglementaire qui appartient aussi au Président de la République.

La nouvelle constitution de la IIème République que le CNTD appelle de ses vœux devra opérer un examen approfondi des dysfonctionnements présents et restaurer le rôle du Gouvernement ainsi que celui du Parlement qui devra être en mesure d’engager la responsabilité du Gouvernement.

D’autre part, la IIème République devra introduire des nouvelles institutions pour consolider l’Etat de droit en République de Djibouti comme :

⮚      Une Haute Cour de Justice apte à juger le Président de la République ainsi que les membres du Gouvernement en cas de faute grave comme le cas de Haute trahison

⮚      Un Sénat ou une chambre haute pour représenter les territoires et statuer en deuxième lecture sur les projets ou propositions de lois qui revêtent une importance particulière pour la nation

⮚      Le mode d’élections des parlementaires ainsi que le nombre de siège doivent également être pris en compte pour faire émerger une société démocratique qui rompt avec la « tribalisation du parlement »